Pour une politique cyclable cohérente
Pour une politique cyclable cohérente
09 décembre 2025 · Oscar Curtil
Un an après un premier courrier resté sans réponse concrète, Avello, le Fietsersbond, ainsi que plusieurs associations, commerçants et habitant·e·s bruxellois·e·s écrivent à nouveau une lettre ouverte pour interpeller l’Échevine de la Mobilité, Anaïs Maes. Alors que la Ville prévoit d’interdire les deux-roues sur le boulevard Anspach sans alternative crédible, nous réaffirmons une demande simple : créer un itinéraire parallèle réellement sécurisé et confortable, afin que l’interdiction devienne inutile.
Depuis dix ans, le boulevard Anspach, au centre-ville, est devenu l’un des symboles d’une ville à taille humaine. Grâce à une mobilisation citoyenne, l’axe routier s’est transformé en piétonnier. On pense alors au fameux Picnic the Streets (2012 – 2015). Mais également aux actions réclamant des pistes cyclables sur l’axe, menées par le mouvement vélo (2011, 2012 …).
Aujourd’hui, le Collège du Bourgmestre et des Échevin·es de la Ville de Bruxelles veut interdire l’accès au boulevard Anspach aux cyclistes et les rediriger vers un axe alternatif qui, aujourd’hui, est dangereux et inconfortable. Cela s’éloigne de l’objectif initial de la zone piétonne : un espace public où différents modes de déplacement et activités urbaines peuvent coexister en harmonie.
L’interdiction des cyclistes n’est pas une solution
Le piétonnier est une zone où les gens doivent pouvoir flâner, s’arrêter, parler ; où les enfants doivent pouvoir jouer sans que leurs parents aient à rester attentifs pour éviter qu’ils ne se retrouvent sous un vélo. Où les personnes âgées se sentent aussi en sécurité, sans craindre de se casser un bras ou une hanche à cause d’un cycliste ou d’un trottinettiste.
Les cyclistes doivent donc adapter leur comportement en respectant la vitesse du pas. Aussi longtemps qu’ils s’y tiendront, la cohabitation avec les piétons se fera sans accroc. Mais aujourd’hui, certains cyclistes foncent et frôlent les piétons ; ces comportements sont asociaux.
En interdisant les deux-roues sur le piétonnier, le Collège de la Ville de Bruxelles veut proposer une « solution » en réponse au comportement asocial d’une petite minorité de cyclistes et trottinettistes.
Dangereux et absurde
Cependant, l’alternative proposée n’est absolument pas sécurisée ni confortable. Cet axe est objectivement dangereux : il compte trois ZACA (Zone à Concentration d’Accidents). Bien qu’il s’agisse d’une « zone cyclable », elle n’en porte que le nom. Les règles n’y sont pas respectées : les automobilistes dépassent les cyclistes en les frôlant et ne respectent pas la limitation de vitesse. Veut-on vraiment envoyer les jeunes “kets” de Bruxelles à vélo sur cet axe ? Si l’on choisit de protéger les piétons sur le Boulevard Anspach en y interdisant les vélos, il n’est ni cohérent ni acceptable de mettre en danger les cyclistes en les mélangeant au trafic automobile.
De plus, pour la circulation de destination l’interdiction est totalement absurde. Qu’adviendra-t-il du plus grand parking pour vélo de la Région en-dessous de la place de la Bourse, de l’atelier Cyclo, du vélociste Lucien/Velofixer, … ? Qu’adviendra-t-il des livraisons à vélo des nombreux commerces et enseignes Horeca du centre-ville ? À pied en poussant son vélo, nous dit-on. Pourtant le vélo a toujours fait partie intégrante du projet du piétonnier, surtout dans un contexte où la cyclo-logistique devient de plus en plus importante.
Investir dans un vrai itinéraire cyclable
Les cyclistes qui empruntent aujourd’hui le boulevard Anspach le font parce que c’est l’axe le plus sécurisé pour traverser la Pentagone. C’est la conclusion d’une enquête que le groupe local d’Avello et du Fietsersbond a menée auprès de presque deux cents cyclistes. Mais il existe des solutions : l’exemple de la rue Neuve prouve qu’il est possible d’avoir une bonne cohabitation entre piétons et cyclistes avec une régulation adaptée, grâce à une alternative sécurisée, confortable, et logique.
Mais, l’alternative au boulevard Anspach est encore loin de répondre aux besoins de confort et de sécurité. C’est pourquoi plusieurs associations bruxelloises tendent la main aux pouvoirs communaux afin de travailler ensemble. Une fois que les conditions mentionnées ci-dessus seront réunies, les cyclistes qui ne font que traverser le boulevard Anspach l’éviteront naturellement, même sans l’interdiction.
Nos associations dénoncent cette décision comme une fausse solution, aux conséquences dramatiques pour les cyclistes. Nous demandons d’investir dans un itinéraire cyclable sécurisé tout en permettant la circulation de destination.
Construire l’avenir de la mobilité
En conclusion, le boulevard Anspach est un espace nécessaire pour beaucoup d’usagers, et les axes parallèles sont aujourd’hui dangereux et impraticables pour les cyclistes.
Nous réaffirmons notre position : il faut mettre en œuvre une alternative sécurisée, confortable et logique. Bâtir un itinéraire cohérent, afin de guider le flux de cyclistes sur cet axe. La cohabitation entre les piétons et les quelques cyclistes qui ont besoin d’y circuler se fera alors de manière courtoise.
Une politique de mobilité digne de ce nom ne peut pas se résumer à des interdictions ponctuelles. Elle doit s’inscrire dans un plan global, cohérent et lisible pour tous les usagers. C’est une stratégie qui intègre l’ensemble des modes de transport.
Nous demandons donc à la Ville de Bruxelles de travailler, au plus vite, à la mise en place d’un itinéraire parallèle réellement sécurisé. C’est la seule manière d’apaiser les tensions actuelles et de construire une mobilité qui respecte toutes et tous. Avec une vraie alternative, une interdiction ne serait même pas nécessaire.
Faisons le bon choix aujourd’hui : une ville qui se veut exemplaire en matière de mobilité durable investit aussi bien dans l’espace public pour les piétons que pour les cyclistes.
Signataires
- Oscar Curtil | Avello
- Zoë Jacquet | BRAL
- Roel De Cleen | Brubike
- Philippe Renders | Cactus Brussel à Vélo
- Marie Verkaeren | CyCLO
- Thomas Deweer | Fietsersbond
- Jaak De Cock | Fietsersbond/Avello 1000bruxsel
- Bertrand Heymans | Heroes For Zero
- Geert van Waeg | Johanna.be
- Renaud Leemans | Les chercheurs d’air
- Karl Lechat | Lucien Bike
- Benjamin Tollet | Molembike
- Arne Robbe | Walk.brussels