Les cyclistes, personæ non gratæ dans le piétonnier bruxellois ?

Les cyclistes, personæ non gratæ dans le piétonnier bruxellois ?

17 septembre 2025 · Florine Cuignet (18/12/24) - Mis à jour par Oscar Curtil

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Les cyclistes seront bannis du piétonnier du boulevard Anspach. La menace planait depuis un certain temps, l’Échevine de la Mobilité Anaïs Maes (Vooruit) a confirmé que l’interdiction porterait bien sur l’entièreté du piétonnier. Une décision que déplore Avello, qui pointe l’insécurité de l’itinéraire alternatif parallèle.

Dans son accord de majorité 2024-2030, le nouveau Collège bruxellois avait annoncé la couleur : « Vu le succès de la zone piétonne et la forte affluence, il y a lieu de restreindre l’accès du piétonnier du boulevard Anspach aux seuls piétons (sauf durant le créneau horaire entre 4h00 et 11h00, notamment pour permettre les livraisons). Par ailleurs, il est essentiel de prévoir des itinéraires alternatifs pour les cyclistes, parallèles au boulevard Anspach, afin de garantir une circulation fluide et sécurisée pour l’ensemble des usagers. » L’Échevine de la Mobilité Anaïs Maes (Vooruit) a annoncé une interdiction courant 2026.

Faut-il vraiment s’étonner de la situation actuelle au sein du piétonnier ? Elle n’est au final que la suite logique de la non prise en compte des cyclistes dès le début du projet de piétonnisation des boulevards du centre. Si Avello s’est associé très tôt aux diverses manifestations en faveur de boulevards apaisés, notre association a aussi pointé la suppression d’un itinéraire cyclable structurant, sans que rien ne soit vraiment prévu pour les cyclistes : ni à l’intérieur du piétonnier afin de limiter les conflits avec les piétons, ni en parallèle où il était envisagé, à l’époque, de renvoyer les cyclistes au milieu d’un trafic motorisé dense (le fameux « mini-ring »).

Un dialogue qui n’a pas abouti

Inquiet quant aux conséquences d’un report du trafic vélo vers un itinéraire non sécurisé, Avello-Fietsersbond 1000 Bruxsel avait pourtant invité en avril 2025 les élus de la Ville de Bruxelles à constater sur le terrain les nombreux points noirs présents sur les itinéraires alternatifs. Le groupe local avait également communiqué les résultats d’une enquête sur les habitudes des cyclistes dans – et autour – du piétonnier, dont une des principales leçons était que l’axe parallèle Van Artevelde – Vierge Noire – Laeken est perçu comme particulièrement peu sécurisant.

Si Avello s’était à l’époque réjoui de la présence de l’Échevine de la Mobilité Anaïs Maes lors de cette visite de terrain, et pensait pouvoir compter sur un dialogue ouvert et constructif, l’annonce par voie de presse du report du trafic cycliste vers des rues non sécurisées dès 2026 semble lui donner tort. En annonçant un report des cyclistes vers un itinéraire alternatif comprenant trois zones à concentration d’accident (ZACA), l’Échevine de la Mobilité est parfaitement au courant des dangers auxquels les cyclistes seront confrontés mais fait le choix de les ignorer. 

L’alternative ? Trop peu sécurisante !

En dépit de son statut de « rue cyclable » et des améliorations apportées sous la précédente législature, l’axe alternatif LaekenVierge NoireVan Artevelde reste encore trop peu sécurisant pour les cyclistes, en particulier les enfants, les cyclistes moins expérimentés ou moins confiants. Effectivement, plusieurs zones à concentration d’accidents y sont répertoriées. L’axe accueille encore un trafic important à certaines heures, tout comme de nombreux bus et poids lourds, soulevant la problématique de l’angle mort qui a encore coûté la vie à un cycliste bruxellois il y a quelques jours. L’interdiction de dépasser les cyclistes y est en outre bien peu respectée, et ne suffit pas à elle seule à en faire un itinéraire accueillant.

Circulation dense et cycliste sur une zone cyclable dans le centre de Bruxelles

 

Avello soutien depuis toujours le principe « STOP », qui hiérarchise les modes et donne la priorité aux piétons, puis aux cyclistes, et en dernier lieu aux voitures privées. Cependant, dans l’hypothèse où les cyclistes sont invités à quitter le piétonnier, ce principe doit s’appliquer à eux également. Avello demande donc qu’une alternative crédible et sécurisée soit préalablement mise en place avant toute interdiction.

L’insécurité que peuvent ressentir les cyclistes sur cet axe est l’une des raisons qui incite à emprunter préférentiellement la zone piétonne. Pour Avello, les cyclistes dont la destination n’est pas située à l’intérieur du piétonnier n’auraient pas d’intérêt à aller se mêler au flux piéton parfois intense si un tracé cyclable efficace et sécurisé existait en parallèle.

Le bannissement des cyclistes pose en outre de nombreuses questions. Les logements, les commerces et les services ne seront plus directement accessibles à vélo, à commencer par le grand parking vélo de la Bourse et les ateliers/commerces vélos situés dans le périmètre. Les livraisons à vélo ne pourront plus être effectuées que durant le créneau horaire dédié aux livraisons motorisées, réduisant par là un avantage majeur de la cyclo-logistique. Les cyclistes qui se contentent de traverser le boulevard devront-ils aussi mettre pied à terre ? Et pourquoi restreindre la circulation des cyclistes aux seules heures de livraisons – précisément aux moments où manœuvrent de nombreux camions et camionnettes ?

Plus de sensibilisation, davantage de contrôles

 

Bannir les cyclistes des boulevards du centre n’était certainement pas la meilleure solution à apporter au problème de cohabitation sur la zone cycle-piétonne du Boulevard Anspach. Mener des actions de sensibilisation régulières pour rappeler aux cyclistes d’adapter leur vitesse (le piéton reste prioritaire), assurer une présence policière et verbaliser les comportements problématiques auraient pu porter de meilleurs fruits. C’est en ce sens qu’Avello avait rejoint les signataires d’une lettre ouverte parue dans la presse fin 2024.

Renvoyer les personnes à vélo vers un itinéraire non sécurisé est par ailleurs une décision inquiétante et dangereuse. Les Bruxellois·es sont chaque jour plus nombreux à montrer qu’ils et elles sont prêt·e·s à enfourcher leur vélo pour leurs déplacements quotidiens, avec tous les bienfaits qu’il en découle en matière de bruit, d’embouteillages, d’encombrement, et de pollution. Leur refuser un itinéraire sûr en les renvoyant vers des zones à concentration d’accident est un signal politique fort qu’Avello ne peut pas accepter.


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