L’homicide routier dans le code pénal belge en 2026

24 juillet 2025 · Luc Goffinet

Code pénal belge

Suite à de nombreux appels émanant d’associations d’usagers vulnérables, le gouvernement introduit dans le code pénal la notion d’ « homicide routier ». Afin de requalifier les accidents mortels causés par des conducteurs irresponsables (excès de vitesse, conduite sous influence, distraction grave). On ne parlera donc plus de simples « accidents » pour les victimes de comportements volontaires inexcusables. Cela permettra aussi d’alourdir aussi les sanctions (jusqu’à 10 ans de prison).

Le poids des mots

Chaque année, des vies sont brisées par des conducteurs sous l’emprise de l’alcool et de drogues. Malgré ces tragédies, le code pénal utilise toujours le terme accident de la route, qui évoque des circonstances sur lesquelles on n’a pas de prise (« la faute à pas de chance »), et qui empêche aussi des condamnations plus lourdes des comportements criminels qui peuvent exister sur la route.

En outre, utiliser le mot accident est choquant pour les familles des victimes, qui n’y voient pas de réelle condamnation de la société pour des faits inexcusables. Ni une reconnaissance qu’elles sont, elles aussi, victimes de ceux-ci.

Un momentum juridique et politique pour changer

Damien Vandermeersch, juriste qui a piloté la réforme du code pénal adoptée en février 2024, déclarait déjà ceci en 2025 à La Libre :

Dans le nouveau Code pénal, l’homicide routier se retrouve sous l’appellation « accident de circulation mortel » , comme une infraction aggravée de l’homicide par défaut grave de prévoyance ou de précaution. Un tel homicide, dans le cadre d’un accident de circulation, est puni d’une peine de niveau 3 (au lieu d’une peine de niveau 2). La peine de niveau 3 est une peine d’emprisonnement de plus de trois ans à cinq ans, peine qui peut être diminuée si le juge admet des circonstances atténuantes.

Si la proposition nous avait été faite au moment où nous avons préparé les textes du nouveau Code pénal, nous aurions adopté la terminologie d’homicide routier qui met davantage l’accent sur l’action de tuer une personne, même s’il n’y a pas intention de donner la mort (sinon ce serait un meurtre), alors que le terme « accident » évoque davantage un événement malheureux. Le recours à la dénomination « homicide routier » se justifie à mes yeux d’autant plus qu’aux termes du nouvel article 107, la mort est causée par une faute lourde de l’auteur (par exemple, homicide routier commis sous l’influence de l’alcool) et qu’il y a lieu de mettre davantage l’accent sur sa responsabilité. Ceci étant dit, rien n’empêche les autorités fédérales de voter une loi modifiant l’intitulé de l’article 107 du nouveau Code pénal…

La balle était donc clairement dans le camp du gouvernement pour modifier le code pénal récemment révisé. L’an dernier, la députée Engagée Vanessa Matz (Malmedy) avait déjà réussi à faire rentrer l’homicide routier dans l’accord de majorité du nouvel exécutif. Elle proposait même d’être plus sévère dans certains cas :

En élevant la peine au niveau 4, soit un emprisonnement de 5 ans à 10 ans au plus. On est ici face à une infraction aux conséquences gravissimes  : la perte d’une vie. Mais le juge pourra toujours apprécier au cas par cas, appliquer des circonstances atténuantes et réduire à une peine de niveau 3 (3 à 5 ans) ou 2 (6 mois à 3 ans), ainsi que prévoir des peines alternatives telles que des conditions d’abstinence et de suivi par rapport à la drogue/l’alcool, de formation routière ou d’interdiction de conduite.

Pour accentuer la pression sur l’état fédéral, une pétition citoyenne pour introduire l’homicide routier dans le code pénal avait aussi été lancée l’an dernier par Nathalie Motte et Rinaldo Pontello, qui ont perdu leur fille Romane (24 ans), heurtée et tuée en 2023 par un conducteur ivre au volant d’une camionnette. Ils en parlaient en ces termes :

Notre société doit cesser d’être laxiste avec ceux qui font le choix d’utiliser leur véhicule comme arme dans les rues. Quand il ou elle – sous emprise – tue, il ne s’agit pas d’un délit mais d’un homicide qui doit être puni plus sérieusement.

Le code pénal (enfin) modifié

Grâce à un projet de loi de la ministre de la Justice, Annelies Verlinden, passé juste avant les vacances d’été, le code pénal comporte désormais la notion « d’homicide dans le cadre de la circulation » et permettra d’infliger dès 2026 des sanctions plus lourdes aux conducteurs qui provoquent des accidents sous l’influence de l’alcool ou d’autres substances, mais aussi pour les récidivistes, ceux qui roulent sans permis ou qui brûlent un feu rouge. Dans ces cas précis, leur peine pourrait grimper de 5 ans à jusqu’à 10 ans de prison.

Bien sûr, ce n’est pas cette adaptation du code pénal qui pourra, à elle seule, faire drastiquement diminuer l’insécurité routière. Il faudra bien d’autres mesures, comme la concrétisation du permis à points, des contrôles plus fréquents et des infrastructures routières qui calment le trafic. Néanmoins Avello se réjouit de cette modification essentielle de notre code pénal, à l’instar de celles déjà faites en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.