Vélos versus poids lourds : attention, danger !

En Europe, les camions représentent 2% des véhicules en circulation : ils sont pourtant impliqués dans 14% des accidents mortels. En Wallonie, 1 accident mortel sur 8 impliquait un camion sur la période 2018-2021^[1]. Quant aux usagers vulnérables, ils sont surreprésentés parmi les victimes. L’angle mort est régulièrement pointé du doigt, en cas d’accident avec un piéton ou un cycliste.

L’angle mort fortement réduit par la « vision directe »

L’importance des angles morts dépend principalement de la hauteur du chauffeur par rapport à la route, mais aussi de la conception de la cabine. Les constructeurs sont actuellement capables de produire des camions sans angles morts, via une cabine de type « vision directe », qui permet au conducteur de mieux percevoir son environnement, et de réduire son temps de réaction.

Imposer cette norme de « vision directe » dès la conception des camions permettrait de sauver des milliers de vies à l’échelle européenne. Malheureusement, l’Union européenne a décidé d’une échéance tardive pour l’imposition de celle-ci : ce sera seulement à partir de 2029. Les poids lourds déjà en circulation ne seraient quant à eux pas concernés par cette norme.

Ailleurs dans le monde cela semble avancer plus vite, comme à Londres qui impose depuis plusieurs années des normes de vision directe de plus en plus contraignantes pour les poids lourds qui circulent sur son territoire. Une politique exemplaire qui porte ses fruits : en 2023, la ville enregistrait déjà une réduction de 62% des accidents mortels impliquant un poids lourds (comparaison avec 2017-2019).

Exigences actuelles

Dans le cadre de son « Règlement général de sécurité routière » (General Safety Regulation) adopté en 2019, l’Europe a décidé d’imposer aux poids lourds construits depuis 2024 une série d’équipements de sécurité pour lutter contre l’angle mort :

• Systèmes capables d’identifier la présence de cyclistes ou de piétons se trouvant à proximité immédiate de l’avant ou du côté droit du véhicule, avec alerte sonore ou visuelle pour le conducteur.

• Caméras, capteurs et radars pour surveiller les zones à visibilité réduite.

• Systèmes sonores et lumineux d’avertissement en cas de marche arrière.

Attention que les poids lourds déjà en circulation avant le 7 juillet 2024 ne sont pas concernés par ces obligations !

Exigences futures

À partir du 7 juillet 2026, toutes les nouvelles immatriculations de véhicules lourds, y compris les modèles existants, devront être équipées des systèmes avancés, notamment pour l’avertissement de distraction du conducteur et le freinage d’urgence avancé en cas de détection de piétons ou de cyclistes. Pour rappel aussi, la « vision directe » des cabines s’imposerait à partir de 2029.

Quelles autres mesures ?

L’équipement des camions n’est bien évidemment pas le seul moyen d’améliorer la sécurité vis-à-vis des poids lourds.

Mieux (in)former les usagers

Dans la majorité des accidents impliquant un poids lourd, l’erreur humaine est en cause^[2]. La formation reste donc un point fondamental : à la fois pour les professionnels de la route, qui doivent tenir compte des cyclistes, toujours plus nombreux sur les routes, mais aussi pour les usagers actifs, qui doivent être conscients des dangers liés aux angles morts. De l’autre côté de notre frontière, la France impose depuis 2021 d’apposer sur les poids lourds une signalisation matérialisant la position des angles morts.

Limiter et canaliser les flux de poids lourds

En milieu urbain, la rationalisation de la chaîne logistique, couplée à une valorisation des alternatives (la voie d’eau et le rail pour les plus longues distances, mais aussi le vélo-cargo en ce qui concerne les livraisons « du dernier kilomètre »), devrait permettre de limiter le nombre de camions circulant en pleine ville. D’autre part, il est important de canaliser au maximum les camions sur des itinéraires adaptés à ce type de véhicules.

Sécuriser les infrastructures

L’infrastructure peut réduire les situations où le cycliste est confronté à l’angle mort. Sur les axes où circulent des poids lourds, il est nécessaire de privilégier des infrastructures séparées du trafic et correctement sécurisées, en prêtant une attention spécifique aux intersections. La solution du carrefour sans conflit, organisé de manière à ce que les usagers plus vulnérables ne croisent pas la trajectoire des véhicules motorisés sur une même phase de feu, doit être privilégiée.

[1] Selon l’Agence Wallonne pour la Sécurité Routière.
[2] Selon l’étude « European Truck Causation Accident« , le facteur humain joue dans 85% des accidents impliquant un poids lourd (IRU, 2007).