Des aménagements cyclables peu écolos ?

28 septembre 2024 · Luc Goffinet

F99c bi-bande béton tracteur vélo

Les projets de cheminements cyclables indurés (béton/asphalte) en zone rurale sont de plus en plus contestés. Malgré un impact sur l’environnement infiniment moindre que n’importe quel autre projet d’urbanisation hors agglomération (contournements, lotissements, grandes surfaces, zonings économiques), les pistes cyclables ont de plus en plus de mal à se frayer un chemin dans les campagnes. Au détriment, parfois hélas, de la mobilité active.

Quelles alternatives d’abord ?

L’option à privilégier pour des aménagements cyclables en milieu rural consiste toujours en premier lieu à récupérer des voiries existantes et à les réserver aux modes actifs (avec des panneaux F99c). Comme on le fait pour certains chemins de remembrement en Hesbaye. La deuxième piste à explorer est de créer des aménagements cyclables le long de routes existantes. Ce sont non seulement les solutions les plus écologiques mais aussi les moins coûteuses !

Cependant, il faut que ces options « routières » soient qualitatives. Pour booster les déplacements à vélo, un cheminement cyclable doit respecter les critères suivants : il doit être le plus court possible, présenter le moins de relief, avoir un revêtement confortable (induré) et être très sécurisé (séparation ou faible trafic/vitesses). Toutes ces conditions de confort et de sécurité sont indispensables pour permettre à tout le monde de se déplacer le plus possible à vélo.

Les détours de plusieurs kilomètres, les revêtements non indurés, les côtes à franchir, les routes sur lesquelles on ne peut pas circuler en sécurité ne sont donc pas des solutions de qualité. Dans certains cas, l’aménagement induré d’un chemin existant (agricole ou forestier, ancienne voie de tram ou ferrée) est la seule option pour fournir une véritable solution rapide, efficace et sécurisée à la mobilité active.

Oui, mais l’écologie dans tout ça ?

Plusieurs soucis sont régulièrement évoqués par les opposants à certains projets dans les campagnes : artificialisation des sols, perte de biodiversité, dégradation des paysages… Bien sûr, comme toute infrastructure humaine un aménagement cyclable a un impact sur l’environnement. Toutefois, il est faible comparé à ceux d’autres projets, notamment routiers. En 2021, le bureau d’études français BLEvolution a ainsi objectivé les choses :

Les infrastructures cyclables sont très loin d’être un moteur de l’artificialisation des sols (0,20 % des surfaces artificialisées). Comparées aux autres projets d’aménagement (zones d’activités économiques, autoroutes, extensions d’aéroport), les pistes cyclables représentent une part infime de l’artificialisation en France. Même avec le scénario de développement du vélo le plus ambitieux couplé à une trajectoire « Zéro Artificialisation Nette » en 2050, cette part resterait toujours très minime (0,60% de l’ensemble des surfaces artificialisées).

Ce calcul est tout aussi valable en Wallonie, qui connait le même taux (faible) d’aménagements cyclables sur son sol qu’en France.

En ce qui concerne l’imperméabilisation des sols le bureau BLEvolution relève ceci :

La nature des infrastructures cyclables pose moins de problèmes que des infrastructures routières classiques : elles sont moins larges (3 m) donc la zone d’étanchéité créée par l’aménagement est beaucoup plus réduite que dans le cas d’une infrastructure routière. L’absence de motorisation évite aussi tout rejet de polluants sur la chaussée et dans l’eau rejetée en bordure de voie cyclable. La gestion écologique des écoulements en bordure de voie cyclable est aussi plus simple : une simple évacuation par tranchée drainante (fossé) suffit dans la plupart des cas.

Le bureau d’études continue plus loin sur les revêtements indurés, souvent critiqués :

Les matériaux « stabilisés » sont généralement associés à une image plus écologique que des matériaux classiques (bitume, enrobés…). Pour autant, ils sont loin d’avoir un moindre impact sur l’environnement et desservent largement le développement du vélo pour des pratiques régulières et quotidiennes. En matière de gestion des écoulements, le stabilisé participe presque autant à l’imperméabilisation des sols qu’une couche d’enrobé. Là où l’enrobé peut être considéré comme relativement inerte, un matériau stabilisé peut entraîner, sous l’effet des précipitations, un relargage du matériau de la couche de roulement dans l’environnement qui sera plus ou moins impactant en fonction du matériau utilisé… Les matériaux « stabilisés » sont également plus chers si on intègre leur entretien plus régulier.

On peut admettre qu’un revêtement induré de 3m de large ait un impact paysager. Mais il existe des solutions pour réduire son empreinte visuelle, les bi-bandes et les mono-bandes :

Chemin agricole bibande signalé par un panneau F99

A noter qu’en cas de forte fréquentation de l’aménagement, le confort d’usage peut se restreindre.

Quid de la faune et de la flore ?

En ce qui concerne la perte de biodiversité on peut lire ceci dans le même rapport :

Concernant la fragmentation des écosystèmes, un aménagement cyclable reste très perméable au déplacement des espèces et les collisions sont quasi nulles avec la faune contrairement à une infrastructure routière classique. Agrémenter la création d’une nouvelle voie cyclable par des zones végétalisées (exemple des haies) peut au contraire se montrer dans certaines conditions (anciens espaces ouverts) positifs pour la revalorisation de certaines trames, mais aussi pour les paysages.

Près de Dour, dans la traversée du bois d’Angre, un milieu naturel très sensible a vu l’implantation d’un RAVeL sur caillebottis pour préserver une mare qui s’y était créée. Cet aménagement a permis à une « voie verte » de ne pas perturber la faune et la flore qui s’y sont développées. On peut donc combiner mobilité douce et écologie.

Une solution mise en place aussi pour pallier à la perte d’une surface « semi-naturelle » est la compensation. Elle consiste à rendre à la nature un espace artificialisé équivalent, mais ailleurs.

Conclusions

En dotant les zones rurales d’aménagements cyclables hautement qualitatifs (directs, rapides, sécurisés et confortable) le vélo donne la possibilité aux populations qui y vivent de se déplacer autrement. Mais la création d’une voirie cyclable en milieu rural ne peut se faire à la légère. Cette création ne doit être envisagée qu’en dernier recours. Que si l’utilisation de voiries existantes n’est pas possible, à cause de leur insécurité, de leur revêtement ou de détours trop importants que cela entrainerait.

Malgré tout, en réduisant – même légèrement – l’utilisation de la voiture dans les zones rurales, un aménagement vélo diminue la pollution globale et locale due aux transport (y compris sonore). Au point de pouvoir effacer sa (faible) dette écologique, inévitable pour tout aménagement.